attelage - atim-utapaniapi
Toujours prompts à adopter de nouvelles techniques susceptibles de leur faciliter la vie dans les terres, les Mushuaunnuat (Innus de la toundra) ont adopté les traîneaux à chiens (atim‑utapanashku) des Inuits et des Settlers de la côte du Labrador. Le atim-utapaniapi (attelage) servait à maintenir à leur place les chiens qui étaient attachés au traîneau.
Écoutez un aîné de Natuashish, Etuat Mestenapeo, rappeler un avantage de l'utilisation de chiens de traîneau
En empruntant la technique des chiens de traîneau de leurs voisins de la côte, les Innus ont même appris les ordres des Inuits aux chiens.
Écoutez un aîné de Natuashish, Shuashem Nui, parler des ordres donnés aux chiens
Pour en savoir plus sur les chiens de traîneau des Innus
Les traîneaux à chiensD'après les fouilles archéologiques menées dans le Nord du Canada et en Alaska, les traîneaux et le matériel qui les accompagne sont apparus au début de la culture Thulé il y a environ mille ans. Ce moyen de déplacement a probablement joué un rôle important dans l'expansion rapide du peuple Thulé à travers l'Arctique, jusqu'au Groenland et jusqu'à la côte du Labrador.1 permettaient aux Innus de transporter de lourdes charges en direction ou à partir des terres dénudées de l'intérieur, mais cela avait un prix. Les chiens des Inuits avaient un grand appétit et il fallait les nourrir. Il fallait se procurer de la viande de phoque, des abats de caribou et du poisson, et il fallait transporter de la semoule de maïs dans les terres avec les chiens. Les personnes responsables des chiens devaient veiller tard pour les nourrir et voir à ce qu'ils soient bien attachés pour qu'ils ne mangent pas la viande de caribou ou qu'ils ne fassent pas de mal aux enfants. Les Innus avaient aussi leurs propres élevages de chiens, mais ces bêtes, qui ressemblaient à des renards, servaient surtout à chasser le petit gibier et ne tiraient pratiquement jamais (voir Cummins, 2002, pp. 120–132, Speck, 1925).
Deux aînés innus de Natuashish, Shushem Nui et Etuat Mestenapeo, nous ont donné des renseignements détaillés sur l'utilisation de chiens de traîneau par les Innus dans les années 1940, 1950 et 1960.
Selon Shuashem Nui, le défunt chef Shushepish « Joe » Rich fut le premier Innu à posséder des chiens de traîneauCela est en accord avec le compte rendu fait par William Duncan Strong de son séjour avec la « bande de Davis Inlet » en 1927–1928 (Leacock et Rothschild, 1994, pp. 29–31). Strong a passé la plus grande partie de son séjour avec le groupe de Mishta-Napesh (Etuat Rich), qui comptait son fils Shushepish. « Les Indiens sont partis avant nous, leurs six petits chiens harnachés dans la formation en éventail habituelle des Eskimos du Labrador. Leurs chiens étaient particulièrement intéressants parce que, bien qu'ils étaient un peu croisés avec des chiens de traîneau eskimos, ils étaient en grande partie de l'ancienne race indienne … Autrefois, ces chiens indiens servaient uniquement pour la chasse, et les toboggans étaient tirés par des gens » (p. 29). Par contre, citant Dillon Wallace, VanStone affirme que les Innus qui faisaient du commerce à partir de Davis Inlet avaient acquis des Inuits « des traîneaux à plateau tirés par des chiens » dès 1905 (1985, p 20).2. Cependant, ajoute-t-il, la plupart des Innus ont fait l'acquisition de chiens de traîneau seulement à l'époque du programme expérimental d'établissement du gouvernement de Terre‑Neuve, lorsque les Innus furent emmenés à Nutak, sur la côte Nord du Labrador.
Si je me rappelle bien, c'est en 1948 que nous avons déménagé à Nutak, et en 1949 que nous avons eu nos chiens. Auparavant, nous n'avions pas de chiens de traîneau. C'est lorsque les Innus sont allés à Nutak que nous avons eu des chiens… Nous n'avions pas de chiens lorsque mon père et moi sommes allés là-bas. Et nous sommes revenus avec 9 chiens. En 1950, lorsque les Innus ont commencé à revenir à Davis Inlet et à Sango Bay, nous sommes demeurés à Nutak. Il y avait beaucoup de traîneaux et de chiens. Lorsque nous sommes partis à Nutak, nous n'avions rien pour tirer nos effets personnels. Au retour, chaque famille avait des chiens de traîneau et personne n'avait à tirer ses bagages. Depuis ce temps, nous n'avons eu aucun problème à voyager.
Shuashem et Etuat ont fait d'autres commentaires à propos des chiens de traîneau :
Avant de faire l'acquisition de chiens des Inuits, les Innus devaient tirer leurs effets personnels et leurs denrées sur des toboggans (utapanashku) et des traîneaux (ush‑tetanakanashku). Quand la neige était vraiment épaisse et molle, les hommes devaient mettre des raquettes et faire une trace tôt le matin pour que le groupe puisse suivre. Avec des chiens, les Innus n'avaient plus besoin de faire ainsi une trace avant chaque étape.
La plupart des Innus ont conservé des chiens de traîneau de 1948 à 1967, année où ils se sont installés à Davis Inlet et ont commencé à utiliser des motoneiges.
Un propriétaire innu de chiens de traîneau pouvait avoir jusqu'à 10 chiens.
Les chiens consommaient beaucoup de nourriture. Selon ce qui était disponible, ils mangeaient de la semoule de maïs, de la rascasse, de la viande ou de la graisse de phoque obtenues des Inuits ou récoltées par les Innus eux-mêmes, ainsi que des abats de caribou tels que les poumons ou les intestins.
Le soir, il fallait préparer un ragoût de semoule de maïs et de caribou pour les chiens.
Nourrir et attacher les chiens pouvait se prolonger tard le soir (par exemple, jusqu'à minuit). Les chiens représentaient énormément de travail.
Les chiens étaient dressés à comprendre les ordres qui leur étaient donnés. Par exemple, si quelqu'un disait auu , les chiens s'assoyaient immédiatement et on leur mettait la laisse autour du cou. Un autre ordre était kuist , pour commencer à courir (ou weet, weet , pour aller vite). Il y avait aussi eiuk, eiuk , pour aller tout droit. Ces mots étaient empruntés et adaptés des Inuits et des Métis que les Innus ont rencontrés sur la côteWilliam Duncan Strong rapporte que « en théorie, les attelages de chiens de la côte du Labrador sont commandés par la voix et le fouet. Les ordres sont d'origine eskimo – Hai-y ã ! Hai-y ã ! pour avancer; hauk! hauk! pour aller à droite; ã r ã , ã r ã , ã r ã , pour aller à gauche, et h ã - ã , h ã - ã - ã , h ã - ã - ã , d'un ton de plus en plus bas, pour arrêter … Les Indiens utilisaient les termes de commandement de la côte, mais ceux que j'ai observés étaient beaucoup moins bruyants en moyenne que les Blancs ou les Eskimos. » (Leacock et Rothschild, 1994, pp. 30–31). 3.
Les Innus obtenaient leurs chiens en grande partie des Inuits. Une paire de raquettes était échangée contre un chien.
Le chien de tête était en général le chien le plus âgé. On l'appelait le utshimau (le patron). Seul le chien le plus âgé pouvait comprendre les ordres du conducteur.
Les traits étaient reliés aux chiens et au traîneau en forme d'éventail (voir ci-dessous), selon la méthode typique des Inuits du Labrador et de l'Est de l'ArctiqueAlika Podolinsky Webber rapporte dans ses notes à propos de son travail sur le terrain dans la région de Davis Inlet : « Au Labrador on emploie des traits en éventail, et chaque chien a un long trait en propre. Dans les bois, cette formation entraîne des retards si les pistes se mêlent autour des arbres. Un attelage bien entraîné évite généralement ce genre de problème : le chien de tête suit les pistes, et les autres le suivent dans sa trace. »4.
Le chien de tête avait le trait le plus long, alors que les jeunes chiens inexpérimentés avaient des traits plus courts et couraient plus près du traîneau.
Alors que les traits des Inuits étaient faits à partir de peau de phoque, ceux des Innus étaient généralement faits de corde achetée dans le commerce.
Lorsque aucune piste n'était tracée, les conducteurs disaient aux chiens où aller. Souvent, lorsqu'il n'y avait pas de trace, les conducteurs marchaient devant, en raquettes, pour faire une trace, afin qu'il soit plus facile pour les chiens de tirer le traîneau chargé.
Dans certaines conditions, au printemps, alors que la neige formait une croûte, les chiens pouvaient se faire des coupures aux pattes. C'était une période très difficile pour les chiens. Ils saignaient beaucoup, et lorsque les plaies séchaient, leurs pattes étaient très douloureuses et les chiens se mettaient à boiter.
Vocabulaire des attelages de chiens et des traîneaux (orthographe non encore normalisée)
ashikupesh – partie du phoque utilisée pour faire les harnais des chiens
ashissu-utapanashku – « patins de boue » : expression employée lorsque les patins du traîneau sont enduits de boue afin de mieux glisser
atim-utapanashku – traîneau
kanatustumuess, kanutistumest – conducteur de traîneau à chiens
kamamitashauet – « le navigateur », celui qui conduit les chiens
kanikauapet – le chien de tête, « celui qui mène avec la corde ». Kanikanutess signifie « le petit chef ». [MacKenzie traduit kanikanitesht et kanikanutesht par « éclaireur, leader, celui qui va en avant ».]
pamaskupatakin – nom d'une sorte de corde, de trait ou de harnais (?) pour chien
pashakashteikan – fouet utilisé lorsque les chiens ne veulent pas tirer
utanikan – corde reliant le traîneau et les chiens [McKenzie traduit atim-utapaniapi par « harnais pour chien »]
utapanashku neshek – ferrure pour les patins d'un traîneau
ush-tetanakanashku – traîneau muni de patins, souvent utilisé pour transporter des canots au moment du dégel et du gel, ainsi que pour tirer des billots
Exemples de noms donnés à des chiens
Kakustashet – « poltron »
Kakutshuet – aucune signification ni traduction fournie
Kuekustishu – « peureux, timide »
Nipishapui – « tasse de thé »
Pitshu – « cruche, andouille »
Tshamaskai – « chien à courte queue »
References
CUMMINS, Bryan D. First Nations First Dogs: Canadian Aboriginal Ethnocynology , Calgary, Detselig Enterprises Ltd., 2002.
LEACOCK, Eleanor B., et Nan A. ROTHSCHILD, réd. Labrador Winter: the Ethnographic Journals of William Duncan Strong, 1927-1928 , Washington, Smithsonian Institution, 1994.
PODOLINSKY WEBBER, Alika. Notes prises sur le terrain, 1960–1962. Musée canadien des civilisations, bibliothèque, archives et documentation, III-X-44M, boîte 171 f.2.
SPECK, Frank. « Dogs of the Labrador Indians », dans Natural History , vol. 25, 1925,
pp. 58–64.
VANSTONE, James W. Material Culture of the Davis Inlet and Barren Ground Naskapi: the William Duncan Strong Collection , Chicago, Field Museum of Natural History, Fieldiana, Anthropology New Series No. 7, 1985.
Notes de bas de page
1 D'après les fouilles archéologiques menées dans le Nord du Canada et en Alaska, les traîneaux et le matériel qui les accompagne sont apparus au début de la culture Thulé il y a environ mille ans. Ce moyen de déplacement a probablement joué un rôle important dans l'expansion rapide du peuple Thulé à travers l'Arctique, jusqu'au Groenland et jusqu'à la côte du Labrador.
2 Cela est en accord avec le compte rendu fait par William Duncan Strong de son séjour avec la « bande de Davis Inlet » en 1927–1928 (Leacock et Rothschild, 1994, pp. 29–31). Strong a passé la plus grande partie de son séjour avec le groupe de Mishta-Napesh (Etuat Rich), qui comptait son fils Shushepish. « Les Indiens sont partis avant nous, leurs six petits chiens harnachés dans la formation en éventail habituelle des Eskimos du Labrador. Leurs chiens étaient particulièrement intéressants parce que, bien qu'ils étaient un peu croisés avec des chiens de traîneau eskimos, ils étaient en grande partie de l'ancienne race indienne … Autrefois, ces chiens indiens servaient uniquement pour la chasse, et les toboggans étaient tirés par des gens » (p. 29). Par contre, citant Dillon Wallace, VanStone affirme que les Innus qui faisaient du commerce à partir de Davis Inlet avaient acquis des Inuits « des traîneaux à plateau tirés par des chiens » dès 1905 (1985, p 20).
3 William Duncan Strong rapporte que « en théorie, les attelages de chiens de la côte du Labrador sont commandés par la voix et le fouet. Les ordres sont d'origine eskimo – Hai-y ã ! Hai-y ã ! pour avancer; hauk! hauk! pour aller à droite; ã r ã , ã r ã , ã r ã , pour aller à gauche, et h ã - ã , h ã - ã - ã , h ã - ã - ã , d'un ton de plus en plus bas, pour arrêter … Les Indiens utilisaient les termes de commandement de la côte, mais ceux que j'ai observés étaient beaucoup moins bruyants en moyenne que les Blancs ou les Eskimos. » (Leacock et Rothschild, 1994, pp. 30–31).
4 Alika Podolinsky Webber rapporte dans ses notes à propos de son travail sur le terrain dans la région de Davis Inlet : « Au Labrador on emploie des traits en éventail, et chaque chien a un long trait en propre. Dans les bois, cette formation entraîne des retards si les pistes se mêlent autour des arbres. Un attelage bien entraîné évite généralement ce genre de problème : le chien de tête suit les pistes, et les autres le suivent dans sa trace. »